Bedlam in Goliath - The Mars VoltaMesdames, messieurs, accrochez vous fort à votre canapé rembourré,
serrez bien vos petites mimines sur les majestueux accoudoirs. Bien en
face des deux enceintes qui crachoteront bientôt cette petite galette à
l'air si inoffensif. Respirez un bon coup, puis pressez gentiment la
touche "play".
Bon courage alors.
Parce que, voyez vous, ce
nouveau disque des Mars Volta, c'est pas un truc à mettre entre toutes
les oreilles. Déroutant, c'est faible comme mot. Adieu les conventions,
la cohérence, le son gentillet, la théorie. Bonjour dissonance, arrêts
nets, accélérations soudaines. Plongeons en apnée avec Cedrix Bixler et
Omar Rodriguez. 77 minutes, vous vous sentez capable ?
Il le faudra bien pourtant. A moins de rater une des oeuvres les plus audacieuses de la décennie.
Départ
à trois mille à l'heure. La batterie est sourde et se noie dans les
nappes de guitares suraiguës, hyper saturés, dissonantes, au rythme
bancale.
On alterne avec des passages audibles et accrocheurs,
immergés dans des déluges sonores. On se retrouve vite, très vite,
perdu. Perdu dans une immensité floue, on ne sait pas quel morceau est
lequel, où on se situe dans l'album, la notion de temps s'efface. Des
arrêts nets nous font penser que le titre est terminé, mais il repart
de plus belle après 20 secondes de bruitages étonnants.
La
première écoute est un calvaire. Rien n'est discernable. C'est juste un
gros tas sonore saturé et rapide. Avec un mec qui hurle.
Il va sans
dire qu'il est impossible de l'écouter concentré en entier. Y'a
forcément un moment où on lâche prise. Et on se laisse emmener par les
flots, au loin de tout ça. On cherche plus à comprendre, ça sert à rien
de toute façon.
Des effets jaillissent de partout, c'est confus.
Comme Loveless de My Bloody Valentine un peu, mais en pire. On arrive
quand même à remarquer des plans qui groovent, des riffs lancinants à
la Black Sabbath, des passages typiques Mars Volta, avec la voix haut
perchée de Cedric Bixler, on détache aussi 3 minutes peut-être qui
ressemblent à une ballade, jolie d'ailleurs. Et ça repart n'importe
comment.
Puis, au fur et à mesure des écoutes (une bonne
dizaine, faut pas se le cacher), on accroche de plus en plus. On note
d'autres passages qui sortent. De moins en moins de trucs inaudibles.
On comprend pas toujours tout, même souvent rien, mais on apprécie. On
ressent mieux le truc, même que des fois, au détour d'un break
bruitiste à la batterie lourde et aux guitares dissonantes, on hoche la
tête. Surtout quand le saxophone s'y met.
Plus on l'écoute, plus on
l'aime. Plus on l'écoute, moins on cherche une cohérence, une clarté,
quelque chose à quoi se raccrocher. On prend le truc comme ça, on se
laisse se faire déstabiliser tranquillement, naïvement. Et quand c'est
terminé (parce qu'on arrive à l'écouter en entier maintenant), et bah
on est content. Et on a aimé.
La difficile épreuve, proposé par
le duo est donc de réussir à écouter assez pour aimer. C'est pas de la
musique à emporter. C'est une conception tout à fait à part de la
musique, comme un art, mineur peut-être comme disait Gainsbourg, mais
avec des détours, des coins sombres, où planent la folie et l'audace.
Les Mars Volta, c'est les Lynch de la musique. On comprend rien, mais on aime et on sait pas dire pourquoi.